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Albert Laurent
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Gilles Doneux
Cédric Allard, violon Sida Bessaïh, clarinette Gilles Doneux, électronique Angéline Le Ray, chant et flûte Adrien Levassor, orgue Nawal Oueld Kaddour, piano et direction de chœur Maitane Sebastian, violoncelle  Choeur Colors du Conservatoire de l'Abbevillois


POL 501 116

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Albert Laurent

Mélodie pour violoncelle et orgue
Épithalame pour violoncelle et orgue
Prélude pour orgue seul
Lecture à vue pour orgue seul
Offertoire pour orgue seul
Lied pour orgue seul

1ère Sonate pour violon et piano
Modérément animé
Avec calme – sans lenteur

Pensée des temps de guerre
Texte et musique d’Albert Laurent, pour voix et piano

Heureux ceux qui sont morts, Poème de Charles Péguy, pour voix et orgue

Sonatine pour flûte et piano
Modéré
Très animé – Sicilienne – Très animé
Vif

Deux mélodies sur des poèmes de Robert Mallet
Le silence touffu
Nous gravons nos désirs 2mn01s 16

Gilles Doneux

Lux Mutabilis – Hommage à Alfred Manessier
pour clarinette, violoncelle, piano, chœur d’adolescents et dispositif électronique


 
 


Albert Laurent


Il y a un siècle, fuyant l’occupation allemande du nord de la France, Camille LAURENT et son fils Albert, en étape à Abbeville, décidaient de se fixer en cette ville. À ces deux musiciens qui ont tant œuvré pour la musique, nous devons une grande reconnaissance. Je rappelle donc la création en 2007, à la veille du 30ème anniversaire de la mort d’Albert Laurent, de l’association Les Amis de Camille et Albert Laurent et l’édition d’un premier livre Présence d’Albert Laurent. En 2010, un premier CD fit connaître, enregistrées par le grand pianiste Jean- Claude Pennetier et des professeurs du conservatoire de l’Abbevillois, quelques œuvres pour piano et de musique de chambre de celui qui fut de 1935 à 1966 directeur de l’École de musique et professeur de piano jusqu’à sa mort. Il avait accepté de donner son nom au chœur créé dont Jean-Marie Elyn a écrit l’histoire de 1972 à 2012 pour que nous la publions en 2012.
En cette décennie, plusieurs concerts ont permis d’interpréter des œuvres manuscrites en associant volontiers au nom d’Albert Laurent ceux du peintre Alfred Manessier et de l’écrivain Robert Mallet et en encourageant à la création. Il convient d’honorer aussi ces deux musiciens qui se sont succédé comme organistes titulaires au clavier de l’orgue de l’église Saint-Jacques d’Abbeville. Le grand orgue de tribune, commandé en 1904 à l’entreprise Mutin Cavaillé-Coll (op. 850) par le conseil de fabrique de la paroisse, était devenu propriété de la commune avec l’église par la loi de 1905. Il avait été épargné par les bombardements de la guerre 39-45. J’ai eu, un temps, la responsabilité de veiller à son entretien et à sa réhabilitation et d’accompagner les offices. Il avait bénéficié d’une cure de jouvence en 2001-2002. Des concerts avaient été donnés en vue de fêter son centenaire quand la tempête de décembre 2004, en crevant la voûte de l’église, maltraita tribune et console, tout en ménageant l’instrument et son buffet. En 2013 vint l’heure de la destruction de l’église Saint-Jacques III sous la contrainte de la sécurité et le dépôt en urgence de l’instrument en l’état, élément du patrimoine de la ville.
C’était un bel orgue de 22 jeux, 2 claviers, 1 pédalier dans un buffet de 7 mètres de largeur et de 3 mètres de profondeur, conçu pour cette église consacrée en 1878. Il avait fait l’objet de travaux en 1946. J. Reinburg avait remplacé le tirage mécanique des registres par un tirage pneumatique en respectant la composition initiale. En 1966, la maison Beuchet de Nantes fait des modifications par adjonction de 3 jeux, un plein-jeu au grand orgue, une cymbale et un cromorne au récit pour permettre à l’instrument de style romantique d’exécuter le répertoire classique.
Faute de disposer de l’orgue de Saint-Jacques pour l’enregistrement du CD prévu, il nous a semblé que l’orgue de Long sorti en 1877 de l’entreprise d’Aristide Cavaillé-Coll (op. 478), inauguré par Alexandre Guilmant et classé en 1986 avec un buffet dû à Delforterie, l’architecte de la 3ème église Saint-Jacques détruite, conviendrait pour mener à bien le projet.
Nous remercions très vivement Monsieur le Maire de Long, son conseil et l’organiste de l’accord donné et des conditions favorables qui ont permis la réalisation du 2ème CD par Monsieur Gérard Durantel et remercions aussi chaleureusement l’équipe professorale du Conservatoire de musique et de danse de l’Abbevillois sous la direction de Violette Garnier et les artistes invités, sans oublier le régisseur du Conservatoire. La qualité des œuvres proposées et de leur interprétation promet le succès.
Mon âge me permet d’évoquer nombre de souvenirs, d’exprimer le respect amical et affectueux que je garde de ces deux Maîtres que j’ai admirés dès 1926 quand je leur fus confié, le plaisir délicat que j’ai toujours éprouvé à goûter la beauté chaque fois que j’entendais Albert Laurent interpréter les œuvres de Jean-Sébastien Bach, de César Franck, de Gabriel Fauré parmi d’autres ou se livrer à l’improvisation en laquelle il excellait. Comprenez mon émotion quand j’ai tenu l’orgue à ses obsèques en janvier 1978.
Avec lui, près de lui et sans lui, j’ai touché les claviers de l’orgue depuis sa mort avec d’autres devenus comme moi orphelins. L’Association continuera sa mission avec la parution d’un livre qui donnera le corpus des œuvres de ces deux Maîtres de la musique et portera à la connaissance de tous quelques-unes des conférences d’Albert Laurent.
Philippe Duclercq Président des Amis de Camille et Albert Laurent

 

 

Albert Laurent
Né le 17 septembre 1885 à La Bassée, dans le Nord, de parents originaires des Vosges, Albert Laurent suit de solides études au collège Saint- Jude d’Armentières où la famille s’est installée en 1892. Son père Camille, organiste et compositeur, lui donne ses premières leçons de musique. Albert intègre les classes de piano, violoncelle, harmonie, contrepoint et fugue du Conservatoire de Lille. Il hésite entre la littérature et la musique, et si la musique l’emporte, toute sa vie il aura la passion de l’écriture et de la lecture.
Encore au Conservatoire, il compose ses premières œuvres, dont une Élévation pour orgue. En février-mars 1908 - il a 22 ans -, il écrit une première sonate pour violon et piano qu’Hélène Wolff et Louise Clapisson, Premier Prix du Conservatoire de Paris et future épouse du grand violoncelliste Paul Bazelaire, joueront le 10 juin 1910 à la Société Nationale des Beaux- Arts de Paris, lors du "Salon 1910 Tapis d’Orient des Grands Magasins du Printemps". La Sonate ne s’éloigne pas des formes classiques - elle est en quatre mouvements -, mais elle est la marque d’un jeune musicien passionné et épris de virtuosité.
J’ai été ravi d’avoir l’opportunité de découvrir le compositeur Albert Laurent au travers de sa Première Sonate pour violon et piano. Lamatière musicale est riche et diverse. Les thèmes alternent rapidement et nous mènent à travers une palette harmonique à la fois vaste et intéressante. Découvrir et travailler cette sonate, qui n’a jamais été enregistrée, nous a conduits à nous interroger constamment, de façon autonome, sur la manière dont les différents thèmes se développent, sont reliés entre eux et le maintien d'un bon équilibre entre les deux instruments. Cela a apporté à notre propre vision artistique beaucoup de maturité que nous portons maintenant en nous lorsque nous abordons d’autres pièces, connues ou non. Ce fut un véritable plaisir de découvrir et monter cette sonate.
Cédric Allard


Suivent des mélodies, de nombreuses œuvres de musique de chambre, pour le piano, pour l’orgue. Les œuvres d’Albert Laurent sont jouées à Lille, Armentières, à Gérardmer dans les Vosges où la famille se rend régulièrement, mais aussi à Paris, Salle des Quatuors Gaveau, Salle Érard, Salle des Concerts du Conservatoire de Paris. De grands interprètes de l’époque les portent à la connaissance du public. La Grande Guerre interrompt brutalement une carrière qui s’annonçait prometteuse. L’avancée allemande dans le Nord de la France pousse la famille à quitter Armentières. Elle se retrouve à Abbeville où elle s’établit. Le jeune pianiste et compositeur se voit nommé chef de la Musique de la 14ème Territoriale alors stationnée dans la capitale du Ponthieu. Albert Laurent se remet à composer. Le 9 janvier 1917, il écrit Pensée des temps de guerre, un poème qu’il met en musique.
Ô terre dont mes yeux ont scruté la beauté / Dans ton ciel tour à tour d’azur et de bruines,/ Dans tes bois bleuissants et tes souples collines / Où la grappe mûrit sous le soleil d’été./ Entre toutes joyeuse et riche de clarté,/ Où par les soirs dorés les sirènes marines,/ Le branle des clochers et l’écho des clarines / Te font dans le silence, un chœur de royautés./ Ô toi, France très noble et si pure qu’un glaive / De paladin, ô toi dont jamais ne s’éteint / La gloire étincelante à l’horizon latin,/ Suffit-il pour t’aimer d’une voix qui s’élève,/ Plus fervente parmi celles du souvenir,/ Ou du râle qu’exhale aux fins de son désir / L’homme qui n’a plus rien à donner que son rêve."
Albert Laurent s’intègre à la vie musicale abbevilloise, donne des leçons, organise de nombreux concerts. C’est probablement après avoir entendu le 7 février 1925, lors du 474ème concert de la Société Nationale de Musique, les Joueurs de flûte, 4 pièces pour flûte et piano d’Albert Roussel, puis joué le lendemain à Abbeville la Sonate Undine de Reinecke et la Sonate pour flûte et piano de Mel Bonis avec le grand flûtiste Louis Fleury, - le dédicataire de la 3ème pièce des Joueurs de flûte d’Albert Roussel, Krishna, et interprète engagé de la musique nouvelle -, qu’Albert Laurent songe à écrire une œuvre pour flûte et piano, sa première œuvre de musique de chambre pour un instrument à vent. La Sonatine pour flûte et piano composée en 1927 sera jouée en 1ère audition par le flûtiste Jean Merry, futur créateur des Cinq Incantations pour flûte d’André Jolivet, et Albert Laurent au piano le 10 avril 1934, salle Pleyel, lors d’un concert donné par la Société Nationale de Musique. Dans le compte-rendu du concert qu’il publia dans le Monde musical, le critique Georges Dandelot écrivit :
"Les deux œuvres qui me paraissent dominer le concert sont : la Sonatine pour flûte et piano d’Albert Laurent et le Trio à cordes de Marcel Orban. Ces deux œuvres qui se suivaient dans le programme sont assez dissemblables et se complètent tout en s’opposant. Alors que nous sommes séduits, dès le début, par la musique vivante, nerveuse, pétulante, pleine d’entrain et de trouvailles rythmiques d’Albert Laurent, ce qui nous charme, au contraire, chez Marcel Orban, c’est la ligne mélodique ... Si je me sens porté à donner la préférence, actuellement, à l’œuvre d’Albert Laurent, c’est que mon goût s’affirme pour la musique rythmique et peut-être aussi à cause de la concision de la forme, ce qui est naturel pour une sonatine. Mais voici deux belles œuvres, toutes deux dignes d’être ‘révélées’ et qui enrichiront (il faut l’espérer) le répertoire des concerts où l’on joue toujours les mêmes choses."
La Sonatine sera rejouée en présence du compositeur le 3 avril 1973 à la Salle municipale des Fêtes d’Abbeville par Marcel Pozzo di Borgo à la flûte et Betty Moulin au piano.
En 1928, Albert Laurent rencontre Albert Roussel et rédige L’entretien avec ... Albert Roussel. À la fin des années 20, il compose moins ; il faut retenir, datant de mars 1929, Heureux ceux qui sont morts sur un poème de Charles Péguy, et écrite en 1931, une magnifique Rhapsodie pour violoncelle et piano. En 1936, il prend la direction de l’École de musique, continue de beaucoup jouer en concert, tient l’orgue de l’église Saint-Jacques, donne des conférences et s’attelle à un ouvraged’envergurequil’occuperajusqu’àlafindesavie Lamusiqueetlapenséeoccidentale, non pas une histoire de la musique, mais une œuvre musicologique cherchant à "replacer [l’art musical] dans un climat d’états d’âme collectifs", visant à "réintégrer [la musique] dans le courant des civilisations".
À la fin des années 50, la passion de l’écriture semble prendre le dessus. Après In memoriam,écrit par Albert Laurent en souvenir de sa seconde épouse décédée en 1956, paraît en 1960 à l’imprimerie Paillard Impromptus, un recueil de pensées. Le poète et romancier Robert Mallet en signe la préface. Deux hommes très différents : autant Albert Laurent paraît s’être replié sur Abbeville, autant Robert Mallet mène une intense vie professionnelle loin du berceau de la famille paternelle, Bray-les-Mareuil. Au moment de la parution d’Impromptus, il se trouve à Madagascar où il dirige la faculté des Lettres qu’il vient de fonder. Mais les deux hommes, qui n’ont pu manquer de se côtoyer au sein de la Société d’Emulation d’Abbeville, se comprennent. Robert Mallet écrit : Le livre de M. Albert Laurent est celui d’un solitaire qui sait attirer la "confidence du silence " pour la remplir de ses propres réflexions [...] Albert Laurent que l’art préoccupe non moins que la morale, pénètre dans les zones reculées de la conscience analytique par les voies d’un style harmonieusement impératif. Il ne laisse rien de ce qu’il aborde dans l’ombre et les articulations de sa phrase rendent souple une pensée dont l’ossature, sous une autre plume que la sienne, aurait risqué, par son poids, de s’ankyloser. Impromptus est un éloge de l’art, des authentiques vertus, de l’âme, de la culture, de la vérité et de la vie, un éloge à la solitude aussi (cité par P.-J. Desreumaux). De Robert Mallet, Albert Laurent met en musique avec un sens aigu du texte poétique deux poèmes extraits des Mahafaliennes, recueil publié en 1961 : Le silence touffu et Nous gravons nos désirs.
Le silence touffu – poème de Robert Mallet extrait des Mahafaliennes Le silence touffu s’écarte dans un bruit / de feuilles froissées et de fleurs fraîches qui tombent./ Nous avançons sans attendre le temps des fruits / et le soleil sème sa sève sur les ombres./ Pour survivre, vivons de silence aux jardins / qui savent la lenteur agile des croissances / et refusons les cris, les gestes trop soudains / où meurent les longues saisons de l’espérance.
Nous gravons nos désirs – poème de Robert Mallet, extrait des Mahafaliennes Nous gravons nos désirs de durables offrandes / sur l’écorce où sommeille un mouvement vivace./ Quelques printemps les vouent à des lettres plus grandes / mais beaucoup de printemps généreux les effacent./ Si nous voulons que vivent noms, dates, guirlandes / si nous plaignons les cœurs comblés par leurs crevasses,/ que nos mains fuient le charme des peaux d’arbres tendres / et tracent dans le froid du roc nos dédicaces./ Moi je choisis la sève et ses tièdes espaces / et ses vivants dangers de plaies et de légende.

 

Les Amis de Camille et Albert Laurent, suivant ainsi une des missions qu’ils se sont données, ont passé commande en 2013 d’une œuvre au jeune compositeur Gilles Doneux. Lux Mutabilis – hommage à Alfred Manessier - fut créé le 6 avril 2014 en l’Église Saint- Sépulcre d’Abbeville. La commande s’inscrivait dans le cadre des années "Manessier en Picardie 2011 - 2013". Fasciné par les incroyables jeux de couleur offerts par les vitraux d’Alfred Manessier, Gilles Doneux se met en quête d’un écho musical. En effet, selon l’heure et le jour, les jeux de réflexions et de lumières apportent un regard différent sur l’édifice. Lux Mutabilis (en latin : lumières changeantes) propose un matériau sonore qui se transforme en passant à travers différents médiums. Les instruments (clarinette, violoncelle, piano), le chœur et le dispositif électronique servent ainsi de filtre au travers duquel les couleurs sonores sont en constante mutation.
Violette Garnier
Les pièces de ce programme sont enregistrées sur l’orgue Aristide Cavaillé-Coll de Long. Inauguré par Alexandre Guilmant le 23 décembre 1877, cet instrument classé monument historique est dans son état d’origine. Il a fait l’objet d’un relevage en 1989 par la maison Laurent Plet qui est toujours en charge de son entretien.
Ce sont des œuvres en partie de jeunesse qui bénéficient de l’expérience d’Albert Laurent sur les orgues d’Armentières (Nord). En effet, le célèbre facteur d’orgue Aristide Cavaillé-Coll construisit un grand instrument pour l’église St-Vaast d’Armentières,inauguré le 27 septembre 1898 par Eugène Gigout "L'instrument que construit actuellement M. Cavaillé-Coll, est un grand orgue de 32 pieds, composé de 50 jeux complets, répartis sur un pédalier, et trois claviers à mains dont deux expressifs. Il possède 3.094 tuyaux, 18 pédales de combinaisons, et 3 machines pneumatiques ; il réunit en un mot tous les perfectionnements de la facture moderne.
Plusieurs indications de registrations, notamment la prescription pour 3 claviers, laissent à penser que ces pièces ont été écrites pour cet orgue : Lied et Offertoire sont clairement datés de janvier 1913 à Armentières, et le Prélude, écrit pour 3 claviers, bien que non daté est vraisemblablement contemporain de ces deux pièces. Malheureusement, l’église et l’orgue seront détruits le 25 décembre 1914 par les bombardements... Il était donc évident d’enregistrer ces pièces sur l’orgue Cavaillé-Coll de Long pour se rapprocher au plus près de l’idéal sonore d’Albert Laurent et rendre pleinement justice à la précision des timbres vouluspar le compositeur. En outre, les témoignages sur les talents d’improvisateur d’Albert Laurent ne laissent aucun doute sur son goût pour l’harmonisation ascendante des grands instruments symphoniques de Cavaillé-Coll.
Musique et langage
A l’image de certains organistes-improvisateurs, Albert Laurent laisse peu d’œuvres écrites pour orgue en regard de l’ensemble de son œuvre pour piano et musique de chambre. Il semble que l’improvisation à l’orgue fût un terrain privilégié de son expression intérieure : référence constante à César Franck chromatisme, pensée orchestrale. Indissociable de son instrument de Ste-Clotilde construit par Cavaillé-Coll,César Franck développe à son contact un langage et une écriture unique pour orgue qui se nourrit aussi de l’art de Beethoven ou Wagner. En évoquant César Franck, comment ne pas penser aux multiples talents similaires d’Albert Laurent et à son attachement pour un orgue, celui de St-Jacques. L’ombre de Gabriel Fauré plane tout autant sur l’œuvre d’Albert Laurent. Pourtant Fauré bien qu’organiste, ne laisse pas une note pour l’instrument à tuyau ; en revanche sa production pour piano, musique de chambre ou voix est abondante. En rentrant plus en avant dans l’écriture d’Albert Laurent, un style personnel oscillant entre Franck et Fauré est manifeste : influences fauréennes dans le balancement harmonique usant du degré III, plages harmoniques étales se rappelant du In paradisum du Requiem ; références franckistes dans l’écriture à 4 parties dans le style quatuor à cordes, la maîtrise de la forme (le plus souvent ABA’ dans les œuvres présentées sur ce disque), enharmonies recherchées, etc.
Les pièces pour orgue écrites qui nous sont parvenues, semblent, par leur taille modeste, leur titre, faire référence à l’usage liturgique de l’instrument. Nous sommes bien loin des élans de la Sonate pour piano et violon dans ce même disque. On trouve dans les manuscrits d’Albert Laurent des pièces intitulées Prélude, Offertoire, Elévation (Lied se nomme également Elévation dans un des manuscrits), trois interludes pour orgue ou harmonium dans les tonalités grégoriennes, titres qui laissent peu d’équivoque quant à l’usage " pratique", pour la liturgie, de ces œuvres. De même l’utilisation du pédalier est assez discrète et permet de jouer la plupart des pièces aussi à l’harmonium (beaucoup d’églises ne bénéficiant que de cet instrument).L’écriture concise, très maîtrisée, dans une écriture à 4 parties très suivie, les titres à usage liturgique renvoient au recueil L’Organiste que César Franck entreprit de composer à la fin de sa vie. Il est certain qu’Albert Laurent connaissait ce recueil d’une grande beauté, témoignage "miniature" de l’art de l’organiste de Ste-Clotilde.
Quatre pièces pour Orgue
Le père d’Albert Laurent, Camille, organiste à Armentières et Abbeville, composa plusieurs pièces pour orgue et instrument et orgue seul. Un triptyque pour orgue a même été édité à la Procure générale de musique religieuse d’Arras : Cantilène, Invocation et Toccata par Camille Laurent organiste de Notre-Dame à Armentières. Camille a initié son fils à la musique lui ouvrant l’accès aux orgues d’Armentières. Il est manifeste que c’est dans ce contexte que Prélude, Lied et Offertoire naîtront, car après les pièces pour orgue seront fort rares.
Lecture à vue en ré mineur (1969), plus tardive, est destinée à un usage pédagogique9, pour une épreuve d’un conservatoire ou peut-être pour un élève pianiste d'Albert Laurent. Sans registration indiquée, cette pièce a certainement été écrite d’un trait. J’ai choisi d’utiliser les belles flûtes 4’ de l’orgue de Long. On trouve de nombreux exemples de ces courtes pièces de circonstances chez les compositeurs français qui peuvent receler quelques pépites comme Morceau de lecture à vue pour violon et piano de Gabriel Fauré.
Prélude en mi mineur, non daté, est certainement contemporain de Lied et Offertoire mais évolue dans un langage plus romantique proche de Mendelssohn. Construit en crescendo sur un thème exposé à découvert au pédalier dès le début, une section médiane utilise un thème contrastant un peu naïf dans la veine de Les plaintes d’une poupée pour piano de C. Franck. Lied en mi bémol Majeur (1913) est d’une perfection de facture et d’expression exceptionnelles ! Cette pièce évolue dans un climat doux et délicat utilisant le registre de voix céleste. Le titre fait essentiellement référence à la forme en 3 parties -A B A’- que l’on appelle forme lied. Offertoire en sol Majeur (1913) est une pièce de plus grande envergure qui évoque le langage chromatique de C. Franck et même de Louis Vierne par moments. Egalement de forme A B A’, Albert Laurent ménage après un crescendo une coda sur le thème B qui évoque directement la section centrale de Lied, parachevant ainsi la cohérence d’une personnalité musicale déjà bien présente chez un jeune homme de 28 ans.

 

Violoncelle et orgue
Les partitions originales pour orgue et instrument sont assez rares pour souligner le véritable enrichissement que sont ces deux pièces dans le répertoire de l’organiste. Par cet effectif, Albert Laurent unit sa pratique du violoncelle et sa pratique de l’orgue. Ces deux pièces sont placées sous le sceau de la romance sans paroles. Si le titre Mélodie est évident, Epithalame fait référence à une sorte de poème lyrique composé à l'occasion d'un mariage à la louange des nouveaux époux. En Grèce antique, il était chanté par un chœur, soit de jeunes vierges seules, soit de jeunes filles et de jeunes garçons, avec accompagnement de danses. Construites en A B A’, elles évoquent l’atmosphère de la musique de chambre de Gabriel Fauré des années 1870-80. L’harmonie d’Albert Laurent y est très raffinée et l’écriture, jamais gratuite, fait toujours dialoguer intimement l’orgue et le violoncelle. Si l’écriture de la partie d’orgue de Mélodie est plutôt traditionnelle, celle d’Epithalame est tout à fait originale. Elle unit l’expérience du piano et de l’orgue : bruissement des triolets de la main gauche, arpèges aériens dans l’aigu. Le langage harmonique se situe dans la lignée du meilleur Fauré : utilisation du degré III, délicat balancement I/VI dans l’aigu de la partie B.
Voix et orgue
Heureux ceux qui sont morts ... (26 mars 1929) Heureux ceux qui sont morts pour la terre charnelle, Mais pourvu que ce fût dans une juste guerre. Heureux ceux qui sont morts pour quatre coins de terre. Heureux ceux qui sont morts d'une mort solennelle. Heureux ceux qui sont morts dans les grandes batailles, Couchés dessus le sol à la face de Dieu. Heureux ceux qui sont morts sur un dernier haut lieu, Avec tout l'appareil des grandes funérailles. Heureux ceux qui sont morts pour des cités charnelles,Car elles sont le corps de la cité de Dieu. Heureux ceux qui sont morts pour leur âtre et leur feu, Et les pauvres honneurs des maisons paternelles. Heureux ceux qui sont morts, car ils sont retournés Dans la première argile et la première terre. Heureux ceux qui sont morts dans une juste guerre. Heureux les épis murs et les blés moissonnés.
Albert Laurent utilise ici un extrait de Eve de Charles Péguy. Un an avant sa mort au champ d’honneur, en 1914 à Villeroy, il écrivit ce poème comme un écho au texte des Béatitudes. L’œuvre parut extravagante ! Elle l’était sans doute par sa longueur inusitée, 1911 quatrains, 7644 vers d’une seule coulée, mais aussi par son mode d’expression poétique : des alexandrins de facture classique. Plusieurs compositeurs se sont servis de ce texte très fort, prémonitoire des pertes humaines considérables de la première guerre.
Originalement pour chœur mixte et orchestre, Albert Laurent en a fait une version pour orgue et voix en partie inachevée. C’est cette version, achevée, qui est présentée ici. Construite en A B A’, le chant se déploie sur une sorte de balancement funèbre et grave de l’orgue. Après une section centrale plus aérienne, la fin s’élève vers la tonalité de La majeur avec un réel dépouillement et une économie de moyen propre à l’éternité bienheureuse.
Adrien Levassor


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Biographies


Diplômé des CNSM de Lyon et de Paris, finaliste du Grand Prix d’orgue Jean-Louis Florentz – Académie des beaux-arts à Angers, Adrien Levassor se produit sur plusieurs orgues historiques et est l’invité de nombreux festivals. Il est titulaire des Grandes Orgues Merklin de Saint-Jean-de-la-Salle à Paris, enseigne comme PEA au Conservatoire de l’Abbevillois, et est le directeur artistique d’Orgues en octobre, le nouveau festival dédié à l’orgue organisé par le Syndicat mixte Baie de Somme 3 Vallées en partenariat avec le CRI de l’Abbevillois.


Titulaire d’un master en chant, en musique de chambre et en flûte du Conservatoire Royal de Mons, Angéline Le Ray mène une carrière d’artiste lyrique tant en France qu’en Belgique, se produisant comme soliste dans des rôles d’opéra et d’opérette. Elle est membre depuis 2009 du quatuor de flûtes international 4 Tempi invité de plusieurs festivals. Elle enseigne le chant au Conservatoire de l’Abbevillois.


Issus des Conservatoires Royaux de Mons et de Bruxelles, passionnés tous deux de musique de chambre, Nawal Oueld Kaddour (piano) et Cédric Allard (violon) intègrent le cycle de perfectionnement de l’Institut de musique Eugène Ysaïe à Bruxelles. Ils forment le duo KadAr(t), travaillent avec de grands professionnels, ce qui leur ouvre les portes de nombreux récitals en France et en Belgique. S’ils sont désireux d’interpréter les grandes œuvres du répertoire, ils ont aussi la volonté de faire connaître des pièces peu jouées, voire oubliées. Nawal Oueld Kaddour enseigne comme PEA au Conservatoire de l’Abbevillois, Cédric Allard en Belgique. Il est par ailleurs membre de plusieurs orchestres tels la Philharmonie d’Anvers et le Brussels Chamber Orchestra.

Formée aux conservatoires de Boulogne-Billancourt et de Saint-Maur-des-Fossés où elle obtient plusieurs prix, Sida Bessaïh est une chambriste subtile. Elle explore aussi les musiques jazz, klezmer et orientales et s’engage dans la diffusion et la création d’œuvres contemporaines. Elle se produit régulièrement avec l’Orchestre National d’Alger et l’Orchestre Philharmonique du Maghreb et fait partie d’orchestres d’opérettes sur des tournées nationales et européennes. Elle enseigne aux conservatoires de l’Abbevillois et de Massy.


Deux fois boursière de la Fondation de France, Maitane Sebastian commence très vite à se produire. En 2006, elle intègre à Paris l’Ensemble Nomos dirigé par Christophe Roy faisant ainsi résonnance à son intérêt grandissant pour la musique contemporaine. Passionnée de musique de chambre, elle est membre du Duo Parhélies (violoncelle – piano), du Duo A Tempo (violoncelle – accordéon), du Duo Anhelo (violoncelle – guitare) et du Quatuor Sésame. Elle est aussi auteure compositrice. Elle enseigne comme PEA au conservatoire de l’Abbevillois.


Après l’apprentissage de divers instruments, Gilles Doneux se tourne vers la composition et entre en 2005 au Conservatoire Royal de Mons (Belgique). Il y obtient en 2010 un master en composition dans la classe de Claude Ledoux, et en 2011 un master en écritures classiques dans la classe de Jean-Pierre Deleuze. Il y a également suivi des cours de musiques appliquées (musique de cinéma, théâtre...) avec Denis Pousseur et Jean-Luc Fafchamps. Il est actuellement doctorant à l’université de Paris 8. Sa thèse porte sur les interactions entre l’écriture instrumentale et l’écriture électroacoustique. Dans sa musique, Gilles Doneux tente de concilier son intérêt pour l’introspection sonore et sa réflexion sur les phénomènes sociaux et culturels. Il a notamment reçu des commandes des ensembles Musiques Nouvelles, Nikel, Orchestre Royal de chambre de Wallonie, Maîtrise de la Loire, du festival Ars Musica et du festival Musicalta (Alsace). En 2010, il reçoit le prix Pousseur du Centre Henri Pousseur. Il est également un des membres fondateurs de l’Ensemble LAPS (laptop et acoustic production system) avec lequel il s’est produit sur de nombreuses scènes à travers le monde.

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