Ce CD consacré à J.S.Bach n’a pas la prétention
de présenter une œuvre achevée. Il est le résultat d’un travail
acharné. Ces douze Préludes et Fugues du second cahier du Clavecin
bien tempéré ne figuraient pas à mon répertoire, exception faite
de la Fugue en fa mineur qui faisait office de cadenza dans le
final du Concerto en fa mineur...
Heureux d’accomplir un vœu fait à l’hôpital le jour de mes 76 ans,
sortant à peine d’une intervention chirurgicale... " Si le destin
m’accorde...une prolongation, je me plonge dans le Clavecin bien
tempéré ". Y a-t-il meilleure thérapie ? Avec le soutien moral du
"cantor ", c’est mon hymne de renaissance à la vie.
Renonçant à l’ordre chromatique, j’ai choisi des tonalités qui
peuvent se côtoyer par leur couleur (exemple : une fugue annoncée
en mineur se termine souvent en Majeur... permettant de sauter
ailleurs !)
E.H.
この録音には完成品をお見せする意図はない。ある理由から没頭して取り組んだ結果、形
となったものである。ヘ短調協奏曲の最終楽章でカデンツとなっているフーガ以外、12
曲のプレリュードとフーガ(平均律第2巻)は私のレパートリーに入っていなかったのだ が...。
「もしも運命が許すなら... まだ生きられるなら... バッハの平均律を始めようか...」病院
で76歳の誕生日を迎えた私は重大な手術を終えたばかりであった。その想いが実現した
事を幸せに思う。平均律集は私の最良のセラピー、無限な心の支えとなり、人生再出発へ の賛歌となった。
曲順についてであるが、半音階順で書かれたオリジナルの曲順から離れ、それぞれの調性
を色彩で隣り合わせにしてみた。(例えば、短調で書かれたフーガはしばしば長調で終わ
るため、他の組み合わせが可能なのである!

Prélude n° V en ré Majeur
Tonalité dorée... Eclatante. Trompettes annonciatrices de
divertissements. Tournoi où, pour leur plaisir, les "grands " de
ce monde s’affrontent...
Mais gare ! Souvent, comme c’est le cas
dans le développement de ce prélude, la tension monte jusqu’à
l’écroulement d’un des lutteurs tandis que la foule acclame le
vainqueur (Réexposition)...Mais on sait ce qu’il en coûta à
François I d’avoir terrassé Henri VIII d’Angleterre "au camp du
drap d’or "!
Fugue n°V en ré Majeur à 4 voix
A 4 voix et indiquée à C barré soit à 2 temps et non à quatre...
Joué ainsi, ce petit thème de trois croches staccato, suivies
d’une boucle legato, peut prendre son envol, telles des volutes de
fumée s’élevant de plus en plus avant de retomber dans la
tessiture du départ. Je suis fasciné par la liberté de l’auteur se
délectant davantage à enluminer sa page qu’à donner de l’ampleur à
son rythme initial (Beethoven s’en chargera !!!).
Prélude n°XIX en la Majeur
Musique céleste...
Ecrite à trois voix en triolets legato. On
l’écoute avec émerveillement, comme l’on regarde Les Anges
musiciens de Fra Angelico.
Fugue n°XIX en la Majeur à 3 voix
Retour sur terre ! Et là point de rêves ! Pleine
de tonus, cette fugue vivifiante vous fouette le sang, car il y
faut courir de la première à la dernière note sans reprendre
haleine.
Prélude n° IX en mi Majeur
Sensuel et nonchalant, il se déroule dans une lumière intime et
berce même par trois fois son humeur dolente en passant en ut
dièse mineur. Cependant, la coda se termine avec un élan si
spontané qu’il vous réchauffe le cœur.
Fugue n°IX en mi Majeur à 4 voix
Chef-d’œuvre d’une beauté et d’une profondeur bouleversante. En
gardant comme but toujours l’Espérance, elle exprime la douleur et
une désolation infinie dans le ton d’ut dièse mineur. Mais
l’espoir renaît et clame sa confiance avec le retour au mi Majeur
dans une embellie ensoleillée.
Prélude n°X en mi mineur
Attention ! Terrain miné ! Il semblerait contredire Paul Tortelier
qui m’avait confié autrefois : "Bach a exprimé tous les sentiments
humains, excepté ceux qui sont bas". Voire ! dans l’une de ses
Passions, lorsque les soldats romains jouent aux dés la tunique du
Christ, on y sent l’appât du gain et une cupidité malsaine. Ici,
nos mains, loin de collaborer se dérobent après avoir tendu un
piège l'une à l’autre ! La main droite tente-t-elle de s’éclairer
en ajoutant un dièse ? La gauche la refroidit avec un
bécarre...Vice-versa aux mesures suivantes ! Ceci pour l’harmonie
...et qu’en est-il du caractère ? Encore plus déroutant ! Dans la
seconde partie, la main droite fanfaronne pendant quelques mesures
avant de s’effacer, penaude, en rasant les murs en une série de
quintes diminuées descendantes... Vraiment, dans cette écriture
tortueuse, on ne sait plus à quel saint se vouer.
Fugue n°X en mi mineur à 3 voix
En revanche quel plaisir de lancer avec panache et un rien de
désinvolture ce thème bondissant ! On sent que l’organiste de
Saint-Thomas y a pris goût, car loin de l’écourter, après un point
d’orgue, il repart avec un entrain redoublé, finissant en un mi
Majeur vainqueur !
Prélude n°III en ut dièse Majeur
Sept dièses à la clé, avides de lumière, nous mettent dans un état
de béatitude...On flotte quelque part dans l’espace. Pourtant ce
rêve d’un ailleurs sera interrompu par un court et franc allegro
fugué qui nous remet les pieds sur terre. "Allons ! secoue-toi...
" nous disent quatre lignes bien condensées ; tel Jupiter au
charretier embourbé dans la fable de La Fontaine : "Aide-toi, le
Ciel
t’aidera".
Fugue n°III en ut dièse Majeur à 3 voix
Commençant avec précaution sur la pointe des pieds, le thème
s’enhardit progressivement jusqu’à chanter avec beaucoup de
liberté en des traits ruisselants de triples-croches qui nous
déposeront sur la coda en plénitude de son et de confiance.
Prélude n°XI en fa Majeur
Ce prélude d’une poésie bucolique est comme la signature musicale
du nom BACH (Ruisseau en langue germanique). D’une terre humide,
dans un sous-bois, sort une source qui coule doucement,
s’élargissant peu à peu avant de retourner à sa vie souterraine.
Page sereine, délicieuse...
Fugue n°XI en fa Majeur à 3 voix
Alerte, vivante, annoncée à 6/16 (six doubles-croches), l’auteur,
excité, y ajoute des triples- croches, à l’instar d’un sprinter
accélérant à la ligne d’arrivée !
Prélude n° XII en fa mineur
D’écriture et d’humeur changeante, ce prélude attachant passe,
dans sa première partie, d’un ton grave à la basse à
l’impassibilité de l’aigu, avant qu’apparaisse, dans la seconde
partie, un ton plus léger décoré de guirlandes assez sensuelles.
Coda pudique.
Fugue n°XII en fa mineur à 3 voix
Superbe thème qui s’étale à la fois verticalement et
horizontalement en plusieurs mesures. Plus lumineux en la bémol
Majeur, il s’échauffe en atteignant un climat plus tendu en si
bémol mineur, avant d’affirmer avec éclat le retour à fa mineur.
Prélude n°XVI en sol mineur
Lyon 1980 : Epreuve orale de pédagogie au CNSM. Question piégée :
"quand vous avez le rythme croche pointée êtes-vous pour ou contre
le double point ? " Ma réponse : "Cela dépend 1) du caractère 2)
de l’endroit de la phrase, pouvant servir d’accélérateur ...ou de
frein. 3) mais surtout je refuse de déconnecter le rythme de
l’harmonie, car suivant que l’on arrive sur une cadence
"parfaite", "plagale" ou "rompue", le rythme peut ou non se
durcir... ou s’élargir". Pensant en jouant cette admirable page
que c’était le moment d’appliquer ce que j’ai répliqué. Elle me
donne l’impression de passer par tous les états d’âme : un tour de
soi-même plus constructif qu’un tour du monde !
Fugue n°XVI en sol mineur à 4 voix
Jonglerie redoutable à 4 voix, où des poids de différents volumes
sont lancés simultanément en l’air...retombant les uns après les
autres !! Travail de Romain ! mais comme disait W. Kempff, en
voyant la Sonate de Bartok pour deux pianos et percussion :
"Barbare !..." ma" bon pour tête !"
Prélude n°II en ut mineur
J.S.Bach, comme à l’accoutumée, n’ayant pas indiqué de tempo, j’ai
opté pour un allegro vivace...Comme un ami qui ferait soudain
irruption chez vous un soir pour vous entraîner à faire la fête...
Fugue n° II en ut mineur à 4 voix
A l’opposé...la réponse molto moderato paraît être : laisse-moi
tranquille. Méditer. Je préfère la sérénité...au tapage nocturne.
Coda en ut Majeur assise comme un Bouddha.
Prélude n°VII en mi bémol Majeur
Fort difficile à bien mener et maîtriser car la main droite a des
appétits de liberté tandis que la gauche tente de la tenir en
laisse avec un rythme ternaire.
Pour finir, après un soupir et
semble-t-il un certain regret, la main droite renonce à sa
fantaisie et vient, dans une courbe descendante rejoindre la
basse... comme un bon chien qui vient se coucher sur vos pieds !
Fugue n°VII mi bémol Majeur à 4 voix
A entendre ce début sérieux - intervalle de quinte solidement posé
comme une pierre - on ne s’attend pas à voir s’édifier si
rapidement une cathédrale dont, à la coda, les cloches sonneront à
toute volée !
Prélude n°VIII en mi bémol mineur
Sinueuse, d’une écriture classique qui a peine à exprimer les
sentiments ambigus de la tonalité de mi bémol mineur. Le Prélude
s’enrichit, en sa seconde partie, de belles surprises harmoniques,
colorées d’ornements en triples croches qui lui ajoutent un regain
d’intérêt.
Fugue n°VIII en mi bémol mineur à 4 voix
En revanche pour la fugue, on ne peut imaginer un thème plus
émouvant, secrètement blessé, osant peu à peu laisser couler son
amertume ; enfin criant sa peine et son désespoir en s’écroulant,
avant de se redresser dans une coda, où la basse renversée donne
un accent pathétique au courageux accord final en mi bémol Majeur
- restant debout dans le malheur.
Prélude n°XXIII en si Majeur
Faisant irruption sans préambule la main droite débarque, telle
une personne excitée et bavarde qui vient vous étourdir de propos
superficiels... Heureusement le calme viendra de la basse d’où
monteront des gammes apaisantes qui aboutiront à un chant
lumineux... vite noyé, hélas, par le retour des formules d’Alberti
- vain caquet qui s’arrêtera comme un moteur qui tombe en panne -
Réexposition tourbillonnante qui disparaîtra aussi soudainement
qu’elle était apparue !
Fugue n°XXIII en si Majeur à 4 voix
Contraste absolu avec un thème grave et serein - en valeurs
longues - des blanches qui semblent s’enrouler tel un python ou
plus poétiquement, comme la racine d’une glycine qui, de ses
tierces et sixtes montantes, étrangle la frêle tige de la
dominante descendante...
Aussi le second système aérien et parfumé
nous offre un développement s’amplifiant jusqu’à la coda qui
chante la splendeur d’un printemps en pleine floraison !
Eric Heidsieck 21 juin 2015
Né en 1936 à
Reims, repéré dans sa ville natale par Alfred Cortot en 1941,
confié à son assistante à Paris, Blanche Bascourret de Guéraldi,
jusqu'en 1952, Éric Heidsieck entre dans la classe de Marcel
Ciampi au CNSM de Paris d'où il sortira Premier Prix, Premier
nommé en 1954. Il suit les cours de Wilhelm Kempff en 1957 à
Positano.
Grand Prix du disque en 1959 (Concertos de Mozart 21 et 24 -
cadences d'Eric Heidsieck), il se marie en 1960 et fonde le duo
de piano Tania et Eric Heidsieck qui a fêté son jubilé en 2010
avec un disque Haydn, Beethoven, Schubert, Fauré et
Heidsieck.
Eric Heidsieck a aussi enregistré plus de 100 disques
de 1957 à aujourd'hui. Il est également le compositeur de
cadences, de plusieurs cycles de mélodies et d'une très
savoureuse Paraphrase sur le thème de La Marseillaise à la
manière de 23 compositeurs.
Born in 1936 in
Reims, Eric Heidsieck plays in front of Alfred Cortot at the age
of five years old in 1941. Later he enters the class of Marcel
Ciampi in the CNSM of Paris where from he will take out First
prize, First one named in 1954. He attends Wilhelm Kempff's
class in 1957 to Positano. In 1959, Éric Heidsieck obtained the
Grand Prix du Disque for his recording of Concertos 21 and 24 of
Mozart (EMI). The following year, he created a duet with his
wife Tania, which would shine on the
stages of the whole world.
In 1969, he was the first French
pianist of the 20th century to perform, by heart in public, the
32 Piano Sonatas of L.V. Beethoven, which he recorded for EMI
between 1970 and 1974. He renewed this challenge ten years later
as well as all Bach's Partitas in 1997. In 1974, he recorded the
16 Suites of Händel for Cassiopée. A few years later, he
obtained his second Grand Prix du Disque for the 13 Barcaroles
of Gabriel Fauré (Cassiopée). He has played on the most
important world stages, and recorded one hundred discs. Since
the beginning of his career, he has given gave more than 2,000
concerts all over the world.
He is also the composer of cadenzas for Mozart's Concertos and
Beethoven's Concertos. He composed also several cycles of
melodies and a very exciting Paraphrase on the theme of "La
Marseillaise", tribute to 23 composers.
1936年生まれ。1941年、
生誕地ランスにてアルフレッド・コルトー氏に見出さ
れた後、同氏アシスタントであったブランシュ・バスクレ・ドゥ・ゲラルディ氏に
1952年まで師事。その後パリ国立高等音楽院にてマルセル・シャンピ氏に師事、
1954年に一等賞にて同音楽院卒業後、1957年にポジタノにてウィルヘルム・ケン プ氏のレッスンを受ける。
1959年、モーツァルト:ピアノ協奏曲第21番&24番(ハイドシェック自身の作曲に
よるカデンツ付き)でグランプリ受賞。1960年結婚。妻であるターニャ・ハイドシ
ェックとピアノデュオ活動を開始。2010年にデュオ活動50周年記念CD発表。ソロ
活動では1957年から2016年の間に100枚以上の録音を重ねる。作曲活動も行い、
いくつかのカデンツやメロディーの他、代表作品に「ラ・マルセイエーズの主題に よる23のパラフレーズ」がある。

This C.D.
devoted to J.S.Bach has not ambition to present a complete
work.
Those twelve Preludes and Fugues from second book of
Clavecin bien tempéré are new in my repertoire.
Happy to carry
out a wish I made in hospital the day of my 76 birth day..." If
God give me a favor to prolong my life, I plunge into " Clavecin
bien tempéré".
Is there a better therapie? With the moral
support of the cantor, it's my hymm to thanks heaven.
Giving
out chromatic order, my choice has been made to go more easily
from one color or character, to the next one until the last and
full of light B major.
E.H.
Paris June
2015.
我々がこの録音を計画した際、
始めに話し合われた事はどこでどの様なコンディシ
ョンで行うか、と言う事だった。エリック・ハイドシェックは、空き時間の限られ
た録音スタジオを嫌い、穏やかな場所で二回に分けた録音を希望していた。さら に、私の所有するヤマハCF
IIISを試演するうち楽器を気に入った彼は、私の別荘
で録音出来ないかと言い出した。我が家は録音編集室であってスタジオではないた
めこの提案には少々驚いたが、やってみようという事になった。(...途中省略) 録音
中、心地良さを手に入れたエリック・ハイドシェックは、作品中枢へ切り込んで行 った。(...途中省略)
今年八十歳になる巨匠の長年に渡る熟考に満ちた演奏は、作曲 家の意図、情感、人間性を見事に蘇らせ、我々を魅了する。
Traduction
japonaise : Harumi Suzuki /日本語訳: 鈴木晴美
Lorsque nous
avons envisagé l'enregistrement de ce disque, la question s'est
posée du lieu et des conditions de travail.
On comprendra qu'au
bout d'une centaine de disques enregistrés, et venant de
connaître quelques soucis de santé, Eric Heidsieck ait eu envie
d'un lieu calme, loin des contraintes de disponibilités et
d'horaires d'un studio, lui permettant d'enregistrer en deux
sessions.
Aussi, après avoir fait connaissance avec le Yamaha CF IIIS et
l'ayant apprécié, il me proposa tout simplement d'enregistrer
chez moi. Un peu surpris, car cette salle est un studio de
montage et non d'enregistrement, nous décidâmes de tenter
l'expérience.
On comprendra facilement, qu'on ne se retrouve pas ici avec la
réverbération naturelle d'une cathédrale, mais on conviendra
tout autant que ce que nous avons risqué de perdre en largeur de
son, Eric Heidsieck l'a gagné en confort de travail, ce qui lui
a permis, comme à son habitude, d'aller au coeur même de la
musique..
La seule vue de ses partitions, chargées non pas d'écriture mais
d'émotions où doigtés et expressions furtives se superposent
allant jusqu'à rendre illisible toute note, montre bien à quel
point la pensée de l'interprète croise au terme de ces années de
réflexions, celle du maître. Il ne reste plus au premier, qu'à
rendre au royaume des sons, l'essence même de cette écriture :
la science, l'émotion et l'humanité, ce qu'Eric Heidsieck nous
restitue à merveille.
J'ai eu le bonheur d'enregistrer avec lui, il y a quelques
années le concerto "L'Empereur" de Beethoven.
Le plaisir s'est
ici renouvelé.
Gérard
Durantel
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